Critique de Nina Zibung

My Stolen Planet est un film autobiographique de la cinéaste iranienne Farahnaz Sharifi.
Farahnaz naît en 1979 lors de la révolution islamique qui secoue son pays. À l’âge de sept ans elle prend conscience que sa vie se déroule sur deux planètes : celle de l’Ayatollah, des photos en noir et blanc, sans un sourire, vêtue de noir et les cheveux voilés, et celle qui lui appartient, des photos en couleurs, d’une vitalité brimée, réprimée, d’une liberté qu’elle ne peut espérer qu’entre les murs de sa maison, que l’on ne peut deviner qu’à travers l’objectif d’une petite caméra qu’elle achète jeune adulte. L’achat de cette caméra marque le début d’une addiction, celle de se souvenir. C’est à travers ses archives cinématographiques, et celles d’inconnus qu’elle achète et collectionne, que le film retrace le temps qui est passé. Par le biais des images de téléphones portables, de bobine super 8, nous partons dans une grande quête contre l’oubli.
Farahnaz nous dévoile des scènes de vie d’elle et de ses amies, d’une joie, d’un élan de vivre si en contraste avec ce qu’elles doivent se contenter de transparaître à l’extérieur, des scènes d’effusions qui nous donnent envie d’oser se sentir vivant comme nous pouvons l’être. La spontanéité des séquences filmées, très sombres, très floues, quelquefois retournées ou de travers, nous donne réellement l’impression de s’immisçant dans l’intimité de la vie de ces Iraniennes. Une triste réalité parfois dure à encaisser.
Les images parfois kaléidoscopiques des vieilles pellicules nous montrent des souvenirs d’autrefois, des archives d’Iraniens en exil ou à qui l’on a confisqué le droit à la mémoire. Au milieu des révoltes et de l’oppression, la réalisatrice écrit ainsi une autre histoire de son pays. Et lorsque les cris des émeutes, les coups de fusils ou les rires cessent, il ne reste que le bruit du cliquetis du scanner super 8 et de nos pensées qui résonnent.
Ce documentaire autobiographique finit en Allemagne lorsque Farahnaz se rend à Berlin pour une résidence artistique. Mais une fois la résidence terminée, les autorités iraniennes lui interdisent d’entrer en Iran. Dans l’impossibilité de rentrer chez elle, elle poursuit son film en exil. Lors d’une manifestation pour les droits des femmes d’Iran à Berlin, elle avoue pouvoir filmer en public sans craindre pour sa vie pour la première fois. C’est avec une scène poignante où l’on suit la foule chantant à plein poumon une hymne à la liberté qu’elle termine son histoire, la dédiant à toutes les femmes s’étant battues pour leurs droits.