Critique de Camilia von Wyss à propos du film La Libertad de Fierro, de Santiago Esteinou.

César Fierro a été injustement emprisonné pendant 40 ans dans les couloirs de la mort à la prison de Polunsky, au Texas. Entré en prison à ses 23 ans, ayant survécu à 17 dates d’exécution qui n’ont finalement pas eu lieu, il est seulement relâché à 63 ans, « grâce à sa superbe équipe d’avocat » nous dit Santiago Esteinou, le réalisateur et scénariste du documentaire.
Santiago avait déjà fait un documentaire sur la vie de César en 2013, Los Años de Fierro, dans lequel il présentait le cas de Fierro. Il y révélait comment, grâce à uniquement des aveux extorqués sous la pression et la torture par la police mexicaine, César avait été condamné à mort au Texas pour le meurtre en 1979 d’un chauffeur de taxi d’El Paso. Ce premier film a servi de preuve, certifiant que le témoignage à la police mexicaine qui inculpait César, avait été obtenu par torture psychologique.
La Libertad de Fierro suit César lors de son « retour à la liberté » pendant la pandémie : il doit d’abord passer une quarantaine à Mexico, puis il vivra avec Santiago et sa famille.
Le film montre combien l’emprisonnement a détruit la vie d’un innocent : il a du mal à être entouré de gens sans penser qu’ils vont lui faire du mal, ainsi qu’à établir une routine de travail et à s’habituer aux nouvelles technologies qui font aujourd’hui partie de notre quotidien mais qui lui sont inconnues.
Le film adopte une approche intimiste grâce à sa caméra portée (technique utilisée durant presque tout le film) créant une atmosphère d’authenticité remarquable. La structure narrative, rythmée par des fondus au noir qui démarquent des chapitres, permet aux spectateurs d’assimiler progressivement la dure réalité vécue par César.
Les thèmes évoqués dans le film nous concernent tous, qu’il s’agisse de la perte de proches ou de la liberté, ils nous permettent, en tant que spectateurs, d’entrer facilement en connexion avec César. En incluant des moments portés par la musique et montrant la réalité crue que vit César, ce film nous fait ressentir le plus humain des sentiments : l’empathie. La Libertad de Fierro mêle émotion et tragédie, montrant une grande douceur dans l’amitié partagée par César et Santiago, qui contraste avec la tragédie omniprésente.
La particularité de ce documentaire réside dans le double rôle du réalisateur Santiago Esteinou, qui est également personnage du film. Grâce à la relation intime qu’il a construite avec César, cette position unique nous place dans la perspective d’un ami proche du protagoniste.
Le film soulève des questions profondes sur la nature de la liberté et met en lumière les conséquences dévastatrices de l’incarcération : le temps perdu, les opportunités manquées, les talents inexploités. À travers ses échanges avec Santiago, César Fierro partage non seulement les abus qu’il a endurés, mais aussi ses espoirs et sa détermination à survivre mentalement et physiquement à l’enfermement. En suivant son parcours et sa difficile réadaptation, le spectateur est amené à réfléchir sur ces droits fondamentaux que nous tenons souvent pour acquis. La question centrale persiste : est-il possible de retrouver véritablement sa liberté après 40 années d’emprisonnement ? Le film laisse chaque spectateur cheminer vers sa propre réponse.