BM 18 – DRAGONFLY EYES par Louise Cardinaux

BM 18 – DRAGONFLY EYES par Louise Cardinaux

Dragonfly Eyes:
jusqu’où sera-t-on capables d’aller?

Dragonfly eyes est une fiction originale, constituée entièrement d’images de caméra de surveillance chinoises. Fiction qui dénonce les dérives de notre société actuelle, ainsi que les désastres de la vie de manière générale. On y retrouve deux personnages principaux, qui ne garderont tout au long du film ni nom ni corps fixes, bien que l’on peut se rattacher principalement à deux nom: Xing Ting, une moinesse se frayant un chemin dans la réalité citadine, et Ke Fan, son futur petit ami, amoureux au point de commettre des délits en tout genre. La voix off est là pour nous rappeler l’identité de chaque objet que repère le programme qui analyse les images. Ainsi le robot nous guide-t-il du début jusqu’à la fin: « man », « woman », « bus », « car », indications nécessaires à la construction de l’identité de chacun des personnages rencontrés qui débordent parfois de leur genre. Très peu de musique, si ce n’est pour faire ressortir les tournants de vie que prennent nos deux personnages. On y trouve par exemple un fond tantôt angoissant, lorsque Ke Fan recherche son amie, tantôt romancé pour souligner l’amour qu’il porte à Xing Ting.
C’est ainsi que nous sommes présentés à Xing Ting, recluse dans son temple, prête à faire un grand pas: demain, elle ira dans la ville pour goûter au monde externe…
 

Une fiction pleine de rebondissements, d’images choquantes, de personnes blessées, ensanglantées, d’accidents, de coups, d’insultes, à laquelle il serait difficile de croire si les images n’étaient pas réelles. Or c’est le cas. Chacune des images est si reconnaissable que l’on ne peut nier que les faits sont arrivés. Ces images sont la preuve de la réalité que vivent les citoyens, et en même temps qu’elles sont la preuve de ce qu’ils ont vécu, elles sont aussi la preuve de la manière dont ils ont vécu: épiés par le gouvernement, par les magasins, par les sites publics, ne leur laissant aucune intimité. Ils sont d’autant plus épiés que ces images de caméras sont accessibles à n’importe quel chinois. Une fiction, qui, de par son contenu et la provenance de ses images, dénonce désastres sociaux, culturels, et naturels. C’est à se demander jusqu’où nous avons besoin de surveiller et jusqu’où nous serons toujours capables de supporter la souffrance d’une population majoritairement piégée par les affres des fonctionnements sociétaux de notre époque.

BM 18 – DRAGONFLY EYES par Loris Thomas

BM 18 – DRAGONFLY EYES par Loris Thomas

Réalisé par le réalisateur chinois Xu Bing, Dragonfly Eyes se place rapidement comme un film intéressant, original et ambitieux.Un homme aime une femme plus que tout, et ne peut imaginer une vie sans elle. Le film déroule l’évolution de leur relation et l’entrecoupe de séquences impressionnantes d’événements qui illustrent superbement les émotions des  personnages tel que des désastres représentant leurs tourments. Il a pour particularité d’avoir été monté uniquement à partir d’extraits de caméras de surveillance accessibles en ligne depuis 2015, ce qui nous donne une désagréable impression de voyeur et de violation de vie privée, effet accentué par une histoire et un montage impressionnants et efficaces qui renforce cet univers malsain. Le travail de sonorisation est particulièrement remarquable et en phase avec les images. Le choix des enregistrements laisse même place à une certaine recherche esthétique avec de superbes plans, tel celui d’une araignée devant un paysage ensoleillé.


Dans son ensemble, Dragonfly Eyes est un film qui interpelle, qui choque et qui questionne, sur la surveillance et l’impact de la connectivité, mais est aussi un film empli d’humanité, de comique et de sentiments. Au final, sa prise de risques paye: il sort du lot par ses images uniques. 

BM 18 – DRAGONFLY EYES par Robin Phildius

BM 18 – DRAGONFLY EYES par Robin Phildius

Dragonfly Eyes – L’habit ferait-il le
moine ?

Le premier long-métrage de Xu Bing commence fort. Monté entièrement à partir d’enregistrements de caméras de vidéosurveillance en libre accès, il nous plonge dans l’aventure d’une jeune nonne bouddhiste qui revient à une vie citadine. Seule parmi des millions d’autres citadins chinois, elle commence par travailler dans une usine laitière, où elle fait la rencontre d’un jeune homme. Ce jeune ingénieur en quête d’identité fera tout (et surtout n’importe quoi) pour gagner son amour et enfin se trouver.

Dragonfly Eyes, (« Les yeux de la libellule » pour les anglophobes) interroge le rôle social des apparences et des caméras de surveillance qui nous filment 300 fois par jour, dans des lieux parfois vraiment absurdes et à la limite du raisonnable. Tout au long du film, la bande sonore exemplaire et les voix off définissent le rôle et la signification des séquences (rappelons-le, les images vidéos ont étés piochées sur le web, aucune séquence n’a été filmée ou mise en scène). Le film nous emporte dans un
monde où les apparences sont des reines tyranniques, celui du monde de l’illusion.

Bien qu’il semble traîner un peu dans la première moitié du film, Dragonfly Eyes nous renvoie avec brio à nos propres
démons ; aux doux noms d’ennui, violence, indifférence, popularité et égoïsme. Une expérience claustrophobique, qui nous ramène brutalement à la réalité des apparences. Dans un siècle numérique, accro aux images, ou les apparences semblent pouvoir tout nous révéler. Tout semble si facile derrière un écran de contrôle. L’habit ferait il le moine ?