de haut en bas et de gauche à droite : Oscar Staehlin, Juliette Hvala, Salomé Cerutti, Audrey Bado, Eugénie Garcia, Flavie Terrier, Audrey Haenggeli, Elisabeth Michel, Mathilde Deslauriers-Franco, Paloma Klein, Keira Delachenal, Mathieu Sormani
Thierno Souleymane, réalisateur et personnage principal de l’intrigue, est à la recherche du film Mouramani. Entre mythe et légende, ce film est considéré comme le premier film réalisé par un Africain francophone. Tout le monde en a entendu parler mais personne ne l’a jamais vu. Thierno Souleymane part à travers la Guinée pour trouver ce film réalisé par Mamadou Touré. Durant son voyage, le réalisateur invite le spectateur à découvrir l’histoire difficile du cinéma guinéen. Après le coup d’état qui renversa le régime socialiste en 1970, la vague de totalitarisme emporte le 7ème art. Les cinéastes sont arrêtés et les pellicules sont brûlées ou enterrées. C’est alors la chute du cinéma en Guinée : les salles ferment les unes après les autres et la culture cinématographique n’existe plus. Sous les conseils des personnes qu’il rencontre lors de sa quête, Thierno Souleymane se rend en France où il espère en apprendre plus sur le mystérieux film de Touré. À Paris, il ne trouvera cependant rien.
Ce film est un vrai hommage au cinéma. On est ramené à la racine du cinéma, de la pellicule : le cinéma est une expérience cinématographique partagée et réfléchie. On questionne d’ailleurs l’industrie du cinéma actuel. La modernisation des moyens de diffusion est un sujet prépondérant dans ce film. Le spectateur est invité à se demander ce qui adviendra du cinéma, si détérioré depuis ses débuts. Thierno Souleymane le montre très bien : une pellicule, un film, une idée, une histoire, tous sont amenés à disparaître.
Dans sa quête, le réalisateur montre l’impact de la colonisation sur la culture africaine. Tout au long du film, les acteurs de l’industrie cinématographique ne cessent d’inviter Thierno Souleymane Diallo à continuer ses recherches en France. Se pose alors la question de la propriété du patrimoine culturel cinématographique. Voilà un très beau combat que défend bien le film.
Ce film est composé de focalisations différentes. On va d’abord suivre le réalisateur dans cette recherche qui lui tient tant à cœur. On le verra se démener tant bien que mal pour mener à bien sa quête. Sa persévérance et sa résilience touche le spectateur droit au cœur. La deuxième focalisation est interne. Elle nous est présentée directement à travers la caméra du réalisateur. Elle filme les interviews, le côté plus pragmatique, scientifique de cette recherche. Le mélange de ces deux points de vue crée le parfait documentaire.
Fen, une enfant de 13ans, retourne à Taïwan avec sa mère et sa sœur après avoir vécu quelques années aux Etats-Unis. La raison de ce départ s’avère plutôt funeste : la mère des jeunes filles doit se faire soigner d’un cancer du sein. En plus de se faire à l’idée de la mort de sa mère, Fen doit s’adapter à des normes sociétales très différentes. Son ancien pays lui manque, et les moqueries qu’elle reçoit car elle est américaine renforce son désir de partir pour retrouver sa ‘vraie’ maison. La cohabitation entre les membres de sa famille est compliquée : chacun semble gérer ses émotions à sa façon. Les disputes éclatent et Fen n’arrive pas à trouver son équilibre. Elle n’est pas excellente à l’école et on dit d’elle qu’elle est une mauvaise influence sur ses camarades. Tandis que son monde semble s’écrouler autour d’elle, Fen écrit un billet de blog qui exprime la colère qu’elle ressent vis-à-vis de sa mère, ce qui lui vaut d’être retenue pour un concours d’écriture sur le thème de l’amour. Ici la haine et l’amour sont les deux faces d’une même pièce, ce qui décrit bien la complexité des relations familiales.
Ce film est simple et pur, et c’est ce qui constitue sa beauté. En le regardant, on réalise qu’il ne recèle pas de surprise : tout est prévisible. La réalisatrice nous raconte une histoire touchante, sans trop de complexité ni de surfait. Notre seule mission est de ressentir. C’est un film intimiste et très touchant. En effet, nous y redécouvrons la complexité de la vie en famille. Les personnages parfois très attachants ou simplement détestables rendent l’œuvre de Feng-I Fiona Roan très réaliste. Le spectateur est au plus proche du personnage : le rythme du film nous plonge dans les liens profonds et complexes d’une relation entre un parent et son enfant. Tout est fait pour que le spectateur s’identifie aux personnages. En effet, qui ne s’est jamais disputé avec sa mère et s’est senti coupable des mots blessants qu’il a pu lui dire ? De plus, l’intrigue autour de la maladie reflète une triste réalité qui nous touche toutes et tous.
Rosine Mbakam nous offre un vrai symbole de résistance et de persévérance à travers Mambar Pierrette.
Pierrette est couturière et doit s’occuper seule de ses deux enfants et de sa mère handicapée. Attestant d’une résilience impressionnante, elle traverse une multitude d’épreuves. Elle se réveille en trouvant sa maison ainsi que son atelier inondés, le lendemain d’une agression lors de laquelle elle s’est fait voler toutes ses économies. Pourtant, Pierrette continue d’avancer, nous montrant vulnérabilité et force simultanément. Dès la première scène où nous la voyons aider sa mère ou encore à travers les nombreuses discussions avec ses clientes, Pierrette est présentée comme un pilier au sein de sa communauté. Même au plus bas, elle parvient à délivrer des discours poignants, notamment pendant une séquence où elle réconforte une de ses clientes, lui conseillant de ne pas dépendre des hommes mais d’être forte et entreprenante. Les paroles de Pierrette sont à la fois touchantes et puissantes. Nous comprenons qu’elle ne se conforme pas à l’image que la société camerounaise lui impose en tant que femme.
Avec en toile de fond la situation politique et sociale du Cameroun, Mambar Pierrette se situe entre le documentaire et la fiction. Rosine Mbakama choisi Pierrette Aboheu, sa cousine, qui est réellement couturière, pour le rôle de Mambar Pierrette. Tous les acteurs sont des amis ou des membres de la famille de la réalisatrice. Le résultat est un magnifique film, où nous jonglons entre sororité, résilience et vitalité. J’ai trouvé ce film impactant et tendre, illustrant un réalisme social et une incroyable résistance face à des épreuves qui pourraient sembler insurmontables au spectateur, le tout mélangé avec des séquences remplies de joie et de rire dans les moments anodins du quotidien de Pierrette.
American Girl est un film taiwanais de la cinéaste Feng-I Fiona Roan. Il décrit le changement de vie de Fen, une adolescente, qui après des années de vie à Los Angeles avec sa mère et sa petite soeur, se retrouve à vivre chez son père à Taïwan. Sa mère étant atteinte d’un cancer du sein, il était préférable pour elle de rentrer à Taïwan auprès de son mari.
Entre angoisse de perdre sa mère et colère de se voir imposer une nouvelle vie, Fen doit s’adapter au mode de vie taiwanais et faire face au fossé culturel qui s’ouvre à elle. Cette colère monte au fil du récit et nous touche par son innocence et sa détermination.
Le spectateur assiste à une violence qui le brusque, notamment lors des punitions infligées par l’institutrice de Fen, ou au sein de la maison quand la dispute éclate. À l’école, c’est la réputation qui compte. Ce sont les notes qui déterminent qui est fréquentable ou non.
C’est aussi l’histoire d’une relation entre sœurs faite de tendresse et de reproches enfantins, à laquelle on s’identifie facilement. Fen rassure sa sœur, effrayée à l’idée d’avoir un cancer comme sa maman. Feng I Fiona Roan nous livre le portrait d’une famille modeste dont la vie se transforme et qui essaye malgré tout de s’apprivoiser et de se comprendre.
Bauryna salu est une fiction du réalisateur Askhat Kuchencherekov, imaginée à partir d’une tradition kazakh consistant à envoyer le premier fils d’une famille vivre avec ses grands-parents. On y suit donc le personnage de Yersultan, un jeune garçon vivant avec sa grand-mère dans une ferme du Kazakhstan. Il l’aide avec amour et patience à se laver ou à entretenir sa maison. Son quotidien est rythmé par le travail. Hanté par une photo de ses parents, il met chaque salaire de côté afin de pouvoir les rencontrer un jour.
Ce film nous raconte une recherche d’appartenance touchante et acharnée, une idéalisation des figures parentales avec lesquelles le jeune garçon cherche avec désespoir une ressemblance, devant son miroir.
Après la mort de sa grand-mère, le jeune garçon est recueilli par ses parents. Son souhait le plus cher se transforme peu à peu en une profonde désillusion. Il se retrouve à faire face à une mère peu présente et un père dur et exigeant. Il se mure alors dans le silence. Il trouve parfois refuge auprès des animaux de sa maison, ce qui nous laisse devant quelques scènes de pure tendresse contrastant avec la tension et le silence pesant au sein de la famille.
Le père, lui, joue un rôle ambigu. Il représente le plus souvent une figure d’autorité excessive mais parfois, il essaye malgré tout de faire une place à cet enfant qu’il n’a jamais connu. Il s’agit donc d’une relation père-fils complexe. Le récit met du temps avant d’atteindre le point culminant ou la communication et la tension explosent enfin, ce qui apporte une dimension nécessaire à ce film.
On découvre donc un monde fait de tradition, de non-dits, de pudeur et d’intimité qui nous transporte en plein dans la culture kazakh. Ainsi, c’est à la fois à travers un regard critique mais également une certaine attache émotionnelle qu’Askhat Kuchencherekov nous décrit son expérience, lui-même ayant vécu cette tradition étant enfant.