Critique de Margot Chatelan à propos du film The Missing, de Carl Joseph E. Papa.
The Missing est un film d’animation utilisant différentes techniques (la rotoscopie et le dessin animé). Réalisé par le philippin Carl Joseph E. Papa, le film est inspiré d’une expérience vécue par le réalisateur. Il aborde les relations incestueuses, l’abus et ses effets chez les victimes.
Bien que les faits ne soient jamais explicités, le film évoque les abus subis par un petit garçon du côté de son oncle maternel. Lors de la mort de ce dernier, le traumatisme d’enfant du personnage principal, maintenant adulte, ressurgit. À l’aide d’un collègue et ami, le personnage principal va tenter de vaincre sa blessure d’enfance.
Le jeune homme adulte dans le film n’a pas de bouche, signe par lequel le réalisateur cherche à illustrer le traumatisme. Le fait qu’il ait perdu sa bouche exprime à la perfection la situation difficile dans laquelle se trouvent les victimes d’abus, souvent incitées voire menacées par leur agresseur à ne pas en parler.
Par ailleurs, les deux techniques d’animation utilisées ne sont pas anodines : la rotoscopie est utilisé lorsque le personnage principal est adulte et le dessin, un peu enfantin, est utilisé pour les flash-backs lorsque le personnage est encore enfant.
L’oncle est représenté par un alien. Les abus sexuels commis par l’oncle se déroulent dans un monde imaginaire (sur une autre planète), ce qui nous rappelle aussi qu’il s’agit d’un film notamment sur des enfants et rend l’inceste encore plus horrible.
Un film émouvant et éprouvant, traitant d’un sujet triste. Certes il a déjà été traité au cinéma mais cette fois avec innovation à l’aide de techniques peu utilisées pour ce genre de thématique.
Critique de Lisa Arisaldi à propos du film Sister Midnight, de Karan Kandhari
Réalisé par Karan Kandhari, Sister Midnight est une comédie horrifique aussi originale que déjantée, où l’humour noir et l’horreur se mélangent avec brio. Le film, d’une durée de 107 minutes, est une œuvre audacieuse, visuellement captivante, qui incarne parfaitement le style de Kandhari, réalisateur indien réputé pour sa capacité à jongler entre le comique et le tragique. Ce long-métrage a d’ailleurs remporté le Prix Next Wave au Fantastic Fest, le Prix NETPAC au Hawaii International Film Festival, tout en étant nominé pour la Caméra d’Or à Cannes, le Golden Eye Award à Zurich, ainsi que plusieurs British Independent Film Awards.
Après avoir commencé sa carrière avec des courts-métrages excentriques et souvent provocateurs, Kandhari livre ici une histoire où la satire sociale se marie à une esthétique aussi colorée que surprenante. L’intrigue suit Uma, une femme fatale au charme mystérieux, contrainte par sa famille d’accepter un mariage arrangé. Pourtant, elle cache un secret terrifiant : elle est une vampire. Ce mariage, qui devait être un acte traditionnel, devient un véritable cauchemar lorsque son futur époux se révèle être tout sauf le partenaire idéal. Leurs tentatives maladroites de cohabiter engendrent des situations absurdes, entre quiproquos et révélations sombres. Le film jongle constamment entre l’horreur et l’humour, une alternance qui rythme le récit et dévoile des thématiques sociales profondes.
À travers une dose d’humour noir, le film critique la brutalité des mariages arrangés. Uma et son futur mari, qui ne se connaissent pas, sont forcés de jouer le rôle de mariés pour satisfaire les attentes familiales. Dès leur arrivée dans leur maison, la distance entre eux est évidente. Ils échangent des regards gênés, se serrent la main comme de parfaits étrangers, et dorment dans des lits séparés à chaque extrémité de la chambre. Ces scènes sont d’un comique grinçant, tout en mettant en lumière l’absurdité d’une union où la cohabitation n’est qu’une façade. Kandhari dénonce ici la violence psychologique des relations imposées, où chacun doit faire semblant pour satisfaire les attentes sociales.
Derrière le rire, on trouve une critique acerbe des traditions qui placent l’apparence et les intérêts financiers au centre des décisions, au détriment de l’amour et du libre arbitre. Le personnage d’Uma, interprété de manière brillante, est fascinant dans sa complexité. Séduisante, dangereuse, mais aussi étrange et vulnérable, elle incarne une femme fatale moderne, partagée entre ses instincts de prédatrice et son désir de liberté. Sa condition de vampire ajoute une nuance intrigante à son personnage, faisant d’elle une victime de sa nature tout en étant une figure de puissance. Karan Kandhari exploite habilement ces contradictions pour nous offrir un portrait saisissant d’une héroïne aussi terrifiante qu’attachante.
L’aspect visuel du film est un autre point fort. Kandhari introduit des éléments animés surprenants, comme des brebis dansantes et des oiseaux virevoltants, qui viennent alléger l’atmosphère d’un récit autrement gothique. Ces touches, qui rappellent les dessins animés classiques de notre enfance, sont insérées à des moments-clés et ajoutent une pointe d’absurdité et de fantaisie, contrebalançant l’ambiance plus sombre du film. La bande-son, un cocktail énergique de rock’n’roll, soutient parfaitement cette dynamique décalée, renforçant l’aspect ludique du film.
La véritable réussite de Sister Midnight réside dans sa capacité à équilibrer habilement l’horreur et l’humour. Kandhari parvient à désamorcer les scènes les plus tendues avec des touches de comédie noire, sans jamais sacrifier la profondeur émotionnelle de son histoire. Ce mélange subtil permet au film de s’adresser à un large public tout en offrant une richesse qui pousse à la réflexion.
En conclusion, Sister Midnight est une œuvre audacieuse et mémorable, captivante et surprenante à chaque instant. À la fin, une question persiste : peut-on vraiment échapper à son destin, surtout lorsqu’on est une créature de la nuit ? Cette interrogation, qui traverse le film, ajoute une profondeur supplémentaire à une histoire déjà complexe et pleine de nuances. Une fin ouverte, qui nous laisse réfléchir à l’inéluctabilité du destin et à la liberté, même pour une créature immortelle.
Critique de Nina Zibung à propos du film The Missing, de Carl Joseph E. Papa
The Missing est un long-métrage d’animation du réalisateur philippin Carl Joseph E. Papa. L’animation est principalement réalisée en rotoscopie : une technique qui consiste à prendre des images d’acteurs et à dessiner les contours des figures image par image.
Le film aborde des thèmes d’agressions sexuelles intra-familiales. Peut-être que les images animées et les nombreuses métaphores (souvenirs d’un enfant troublé et effrayé) aident-elles à traiter de tels sujets. En effet, rien n’est vraiment dit ou montré explicitement, mais tout est compris.
Eric, le protagoniste, n’a pas de bouche. Au départ on ne sait pas vraiment pourquoi, puis au fur et à mesure que le film avance, cela devient très clair. Il travaille comme dessinateur dans un studio d’animation, et entretient une proche relation avec sa mère, avec laquelle il communique en écrivant ses paroles sur une petite ardoise blanche. Il commence par ailleurs à se lier avec Carlo, un de ses collègues. Mais un jour, sa mère lui demande de rendre une visite à son oncle, duquel elle n’a plus de nouvelles depuis quelques jours. Eric et Carlo se rendent chez lui et le retrouvent mort.
De là tout semble alors dégénérer pour Eric. Cette révélation réveille chez lui des souvenirs d’enfance, des traumatismes qu’il avait enfouis au plus profond de sa tête. Eric commence alors à vivre dans une réalité de rechange pour faire face à l’atroce vérité : attaques d’extraterrestres qui l’enlèvent pour l’emporter loin de la terre, rêves déjà survenus quelques années auparavant. Les flashbacks de l’enfance d’Eric, sous formes de dessins enfantins et épurés, font écho à lui, petit et innocent.
Le réalisme des regards et des mouvements (dû au fait que de réelles personnes aient joué) alimente le baume d’émotions qui vous prend au cœur. En opposition, le manque de réalisme de l’animation des flashbacks, renforce l’idée qu’ils sont narrés selon sa perception d’un enfant qui peine à saisir l’énormité de ce qu’il vit.
Lors de la scène finale, il creuse la terre frénétiquement, à la recherche de la tombe de son oncle, pour finir par l’ouvrir : là gît sa bouche, son pouvoir de parole confisqué. Enfin il peut récupérer ce qui lui appartient en droit. Il s’assied alors entre sa mère et Carlo et déclare : “J’ai quelque chose à vous dire…”.
Critique de Nina Zibung à propos du film The Tenants, de Yoon Eun-kyoung
Dans son nouveau thriller sorti en 2023, Yoon Eun-kyoung mélange la comédie noire, le film d’horreur et la science-fiction. Le malaise vous prend dès les premières minutes du film, lorsque défilent les images puissantes en noir et blanc, de face-à-face du protagoniste au visage fermé et au manque de répartie.
Shin-dong, jeune adulte coréen, peine à joindre les deux bouts et se retrouve sans autre solution que de sous-louer son petit appartement -dis-je, sa salle de bain- à un couple lugubre et glauque. Dix heures sonnent : plan détail sur le veston de Monsieur, sur sa bouche qui rit, glaçant nos os. Madame hoche de la tête et sourit sans rien dire, telle une poupée, un petit enfant.
Les locataires de la salle de bain, comme des automates, déambulent dans l’appartement sombre, s’enferment dans leur pièce, sortent lorsque la nuit tombe. Shin-dong ne dit rien. Il subit, avec une sorte d’impuissance qui nous donne envie de nous lever de notre siège, les agissements perturbants et inquiétants de ses locataires. Il sombre peu à peu dans un cycle infernal ; alternant les longues nuits à se tuer au travail et celles dans son lit, délirant (ou peut-être pas) sur des bruits étranges et des évènements alarmants.
Les plans, en plongée et contre-plongée et les dialogues tirant vers l’absurde, montrent un jeu de pouvoir tangible et une tension palpable. Ils démontrent l’infériorité du protagoniste face à ces deux cafards qui infectent sa vie.
Le rythme se presse et l’horreur grandit ; entre rêves et une terrible réalité, ombres et éblouissements, nous ne savons plus où donner de la tête. Dans ce Séoul dystopique, Shing-dong étouffe de plus en plus, devient prisonnier de sa propre imagination, cauchemar surréaliste. Ce récit angoissant d’aliénation et de pressions sociales vous donnera sans aucun doute des frissons dans le dos !
Critique de Margot Chatelan à propos du film Republic, de Jin Jiang.
Republic est un film chinois sorti en 2023 et réalisé par Jin Jiang. Il s’agit d’un documentaire de 1h47.
Le film raconte l’histoire d’un jeune homme vivant dans une petit cagibi où les visites se succèdent au fil des heures et des jours. Discussions communistes, musique et fumée sont au rendez-vous. Ce petit espace créé par le jeune homme et baptisé « Republic » offre un lieu de retrouvailles pour toutes les personnes voulant exprimer leur refus de la société actuelle en Chine.
Entre idées hippies et communistes, couleurs flashies et musiques anglaise du siècle dernier, ce documentaire nous présente une communauté retro, adepte des bolcheviks et de Mao. Le film propose, grâce à son montage faisant se succéder des situations bizarres, des discussions et même des rares instants où le personnage principal se retrouve seul et explique sa vision du monde et de son propre avenir, une immersion totale dans ce cagibi particulier. Les spectateurs peuvent ainsi explorer un art de vivre innovant.
Un film critique à l’égard de notre système actuel qui donne envie d’aller rejoindre la « République » ! Profond et plein de personnes désirantes de s’émanciper d’une société où rien ne va plus ; tel est ce documentaire touchant, entre discussions et disputes sur fond de vieilles musiques hippies. Explorez cet univers entièrement créé par un jeune homme plein d’espoir face aux imposants défis que sa génération doit relever et pénétrez dans un espace sacré et empli d’une atmosphère quasi-mystique.
Critique de Margot Chatelan à propos du film The Tenants, de Yoon Eunkyoung
The Tenants est un film de Yoon Eukyoung réalisé en 2023 en Corée du Sud. Ce métrage particulier d’une heure et vingt-huit minutes, mélange plusieurs genres cinématographiques : horreur, suspense, comédie, drame, science-fiction.
Le film raconte l’histoire d’un jeune travailleur qui, pour éviter d’être expulsé de son appartement par son propriétaire, sous-loue sa salle de bain à un couple. Mais ces nouveaux locataires se révèlent bien étranges et la relation avec ces derniers n’est pas toujours simple ! Tout cela se passe dans un monde futuriste où l’air, devenu irrespirable, cause de nombreuses maladies. Un jour, le jeune homme a l’occasion d’être muté et décide de la saisir, autant pour sa santé que pour fuir ses locataires mais tout ne se passe pas comme prévu.
Ce film est sans aucun doute une critique de la société et des dérives du capitalisme et ses contradictions. Ceci est tout d’abord exprimé par le contraste entre l’image en noir et blanc (qui nous rappelle un ancien cinéma) et le monde futuriste qui présente le film. De plus, la condition délicate dans laquelle se trouve le protagoniste, expulsé de son appartement et le sous-louant de ses locateurs, est également contradictoire. Enfin, la fin ouverte de ce film, qui mêle comédie et horreur, laisse libre cours à l’imagination du spectateur.
Un film puissant, autant par son suspens que par ses accusations contre notre société ! Un film d’un genre nouveau, critique envers notre société actuelle et avec d’innombrables symboles faisant tout de même sursauter plus d’une fois, voilà le film que nous propose Yoon Eukyoung.