Critique de Camilia von Wyss à propos du film The Empty Grave, de Cece Mlay et Agnes Lisa Wegner

Songea, Tanzanie et John Mbano, un local dont l’aïeul a été exécuté par l’armée coloniale allemande au début du XXe siècle, sont les protagonistes de cette histoire. Son deuil s’est transmis de génération en génération, car la tête de Songea Mbano (son arrière-grand-père, un des chefs de la résistance Maji-Maji contre l’armée allemande) manque à la tombe. Elle a été emmenée en Allemagne à des fins de recherche eugéniste et raciste durant l’époque coloniale.

Nous suivons John et sa femme dans leur combat pour rapatrier le crâne de Songea Mbano, un chef de la résistance Maji-Maji exécuté par l’armée coloniale allemande au début du XXe siècle. Que ce soient ces familles qui doivent faire elles-mêmes l’effort de contacter les autorités pour réclamer justice, en Tanzanie mais aussi et surtout en Allemagne, est choquant. Que ce soit par amabilité ou pour souligner la honte qu’expriment plusieurs sujets allemands tout au long du film, les réalisatrices adoptent un ton cordial et conciliateur qui lisse en partie cette frustration, mais l’image de ces familles qui attendent sur plusieurs générations que les restes de leurs aînés reviennent au pays reste gravée dans la mémoire du spectateur.

Ce documentaire, un témoignage implacable de l’hypocrisie et de la lâcheté actuelles face à des horreurs passées, mélange les paysages magnifiques de Tanzanie et les chants des anciens combattants, nous plonge dans la culture tanzanienne et le lien précieux que les gens ont avec leurs ancêtres. The Empty Grave reprend aussi le débat, qui avait déjà été soulevé avec le mouvement Black Lives Maters, sur le nom des rues et les statues exposées dans le monde occidental qui rappellent les colons qui ont détruit la vie de milliers de gens juste à cause de leur couleur de peau. Il souligne bien l’inhumanité du racisme et dénonce le colonialisme qui est encore très présent. Ce que les protagonistes attendent, c’est une reconnaissance et une réparation de la part des pays colonisateurs, mais cette justice n’a toujours pas été rendue.

À travers un voyage entre la Tanzanie et l’Allemagne, les réalisatrices Agnes Lisa Wegner et Cece Mlay exposent un processus de restitution complexe et douloureux. Malgré un style documentaire conventionnel, le récit transpire l’émotion : chaque démarche administrative cache une blessure familiale non cicatrisée. Le documentaire interroge notre rapport à l’histoire coloniale et interpelle sur la nécessité de reconnaissance et de réparation.

The Empty Grave devient ainsi un miroir tendu à nos sociétés contemporaines : comment réparer les traumatismes historiques ? Comment transformer la reconnaissance en véritable justice ?