Critique par Eugénie Garcia

Ce film indépendant qui nous est proposé au Festival Black Movie raconte l’histoire de deux frères, Ibrahim et Mohamed, et de la jeune Falta, enfant studieuse et travailleuse. Les trois reçoivent un enseignement à Kolofata, ville sous protection militaire. En effet, le groupe terroriste Boko Haram, situé dans l’extrême nord du Cameroun, menace la ville d’incursions meurtrières. Celles-ci ont déjà tué le père de Falta. De plus, les frères sont indisciplinés et ont tendance à désobéir. Les deux se sont échappés d’un camp terroriste, où ils avaient été amenés par un ami de leur père, ce qui laisse entendre que certains de leurs parents seraient aussi membres de Boko Haram.
La menace terroriste pèse sur les Camerounais et les habitants des pays alentours. Le traumatisme causé par ce conflit est présent dans l’esprit de tous. C’est pourtant avec confiance que les enfants vont se confier à Cyrielle Raingou et sa caméra. En leur laissant une place pour s’exprimer, la réalisatrice amène les enfants à se livrer de façon légère sur les atrocités qu’ils ont pu voir et subir. Le choix de la focalisation à travers les yeux des enfants n’est d’ailleurs pas anodin. À travers des plans de caméra doux, le spectateur est invité à imaginer et comprendre la violence sans pour autant la voir directement sur des images. L’étouffement de la violence terroriste est un choix médité de Cyrielle Raingou. Le groupe terroriste est un spectre, une évocation, un récit qui nous sera évoqué seulement par des enfants, et c’est cela qui inspire le nom du film.
Ce film plus proche du documentaire que de la fiction est d’abord très touchant. La créativité et la légèreté d’esprit que possèdent les enfants est un vrai hommage à l’humanité. Bien que très exposés à la guerre, ces jeunes Camerounais sont animés par la flamme, l’espoir, qui leur permet de surmonter les épreuves difficiles. Ils sont innocents, bien qu’ils aient pu voir des choses infernales, et leur sensibilité est très bien représentée à travers la caméra de Cyrielle Raingou. Ses plans sont calmes et humbles, purs et délicats. Le spectateur est immergé dans la vie quotidienne de ces enfants, qu’il apprend à connaître intimement et finit attristé de devoir s’en séparer à la fin.