Critique de Lisa Arisaldi

Photo argentique de deux femmes qui dansent, cheveux détachés. Elles portent une robe de soirée.

My Stolen Planet (2024) est un long métrage de 80 minutes réalisé par Farahnaz Sharifi, une documentariste iranienne. Avec ce film elle s’impose comme une voix essentielle de l’exil et de la mémoire. En coproduction entre l’Allemagne et l’Iran, le film a été présenté à la Berlinale 2024 et interroge les déracinements géographiques et émotionnels à travers un mélange saisissant d’archives personnelles et collectives. Ce film, à la croisée de l’intime et de politique, questionne la fragilité de l’identité dans un monde en perpétuelle mutation.

 L’intrigue du film s’articule autour du temps qui passe et de la vie de notre protagoniste et narratrice : Farah. Le film aborde des thématiques poignantes, telles que les conditions des femmes en Iran, leur manque de liberté et l’obligation du port du hijab. En même temps, il explore des aspects plus sensibles comme l’importance de la mémoire, représentée à travers une passion pour l’art (photographie, cinéma, danse, etc.) qui se heurte à la maladie d’Alzheimer (la mère de la protagoniste est atteinte de cette maladie). Le long-métrage met aussi en lumière la force de l’amitié, qui alimente les révoltes.

 Le film adopte une approche de journal intime, où Sharifi explore sa vie sous le régime iranien post-révolutionnaire. Elle juxtapose de moments de liberté privée, comme danser et chanter sans hijab chez elle, avec la réalité publique où ces actes sont interdits et où le port du hijab est obligatoire. Pour enrichir son récit, elle intègre des vidéos personnelles et des films Super 8 de familles iraniennes, illustrant la vie avant et après la révolution. 

Le passage où Farah et ses amis dansent en cachette est profondément émouvant, car il symbolise une quête désespérée de liberté dans un environnement oppressant. Leur danse, bien plus qu’un simple mouvement, devient un acte de résistance, un moyen d’exister pleinement dans un monde qui leur refuse leur liberté. Le fait qu’ils soient contraints de vivre ce moment dans le secret renforce l’émotion : chaque geste, chaque rire partagé devient précieux, comme une lueur d’humanité dans un espace où elle est réprimée. Ce contraste entre la joie intense de la danse et la clandestinité de l’acte souligne la fragilité mais aussi la force de leur lien. 

 Cette scène, bien que lumineuse, porte en elle une grande tristesse, car elle révèle l’ampleur des libertés volées. C’est pourquoi elle est si émouvante : elle capte l’essence de ce qu’il y a de beau et de tragique dans l’humanité. 

De plus, l’aspect de la quête des archives par le biais de vidéos et de photos est très poignant. Cette lutte pour capturer des souvenirs, en contraste avec l’oubli progressif de sa mère, montre à quel point la mémoire, qu’elle soit préservée ou perdue, façonne notre perception de la réalité. 

My Stolen Planet nous offre le regard audacieux d’une jeune femme qui, face à cette situation effroyable, lutte pour préserver sa mémoire et sa liberté. Et si, à travers l’histoire de Farah, nous rendions hommage à toutes ces femmes qui, même dans les conditions les plus oppressives, refusent de se soumettre, de se taire et continuent de se réinventer ?